Textes au féminin illustrés par Michel
Debray
Novembre 2024 | ||||||||||
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La jeune fille avait frappé timidement un soir à la porte de sa chambre. Il lui avait dit d’entrer comme s’il savait déjà ce qui allait se passer. Elle s’avança muette au milieu de la pièce, il était assis à une table en train de griffonner quelques papiers, se retourna sur elle, posa son stylo et ses lunettes sans un mot, admira tant qu’il put ce corps si jeune qu’il butinait déjà à travers la chemise de nuit d’un rose transparent, comme enveloppé d’une si fragile chrysalide. Abel se leva, s’approcha d’elle, la prit dans ses bras. Il sentit que tout son corps se raidissait d’un seul coup et lut dans les yeux de Clara une angoisse terrible.
Étonné d’une peur aussi subite, alors qu’il lui semblait qu’elle était venue pour se donner à lui, il lui dit doucement à l’oreille :
- Élise, si tu ne le souhaites pas vraiment, nous arrêtons maintenant et il n’y aura aucun ressentiment de ma part. Je ne veux pas te faire l’amour si.......
Elle l’interrompit aussitôt :
- Oh non ! Je ne souhaite que cela ! Mais il y a comme une peur effroyable en moi que je ne comprends pas, qui me paralyse. Je sais que cela vous paraît ridicule.
Elle se serra plus fort contre lui:
- J’ai une peur terrible que mon corps souffre. , pas physiquement mais au plus profond de lui. C’est incompréhensible.
Abel, touché par la franchise et la fragilité de la jeune fille, l’entoura de ses bras, et tout en lui caressant les cheveux, il lui souffla à l’oreille :
- Quelle idée as-tu là ! Jamais je ne te ferai de mal, tu le sais !
Il prit son visage entre ses mains, et planta ses yeux dans le regard angoissé d’Elise et répéta :
- Regarde-moi bien, jamais, tu entends, jamais je ne ferai quoi que ce soit que tu ne veuilles. Tu me crois ?
Elle lui répondit « oui »en hochant la tête.
Il reprit :
- Maintenant, as-tu autant envie de moi, que moi de toi ?
Il reçut la même réponse muette.
- Alors, fais-moi confiance, laisse-toi aller et dès que cela te déplaît, on arrête.
Les mots étaient devenus inutiles, leurs yeux se remplissaient d’amour, l’air qu’ils respiraient ensemble résonnait de toute leur émotion.
Il descendit sa main le long de la cuisse d’Elise, souleva tout doucement sa chemise de nuit, et caressa sous le linge transparent les rondeurs, les seins, le ventre de la jeune effarouchée, qui se raidit quand il effleura son sexe, qu’il abandonna aussitôt. Il ouvrit tendrement sa bouche avec sa langue et savoura avec délice son goût frais. Toute résistance disparut, et dans un gémissement timide, elle répondit à son baiser en goûtant, à son tour, cette langue qui s’introduisait en elle.
Elle ne voulait, ni ne pouvait résister à un tel baiser.
Il lui semblait qu’elle se nourrissait de lui, ou plus précisément qu’il la nourrissait de quelque filtre surnaturel qui la pénétrait, l’envoûtait, lui enlevait toute volonté contraire à leur désir. Déjà, elle fondait en lui.
Alors que leurs lèvres ne parvenaient pas à se séparer, Abel, entre deux baisers, réussit à enlever la pâle enveloppe de cette petite fée, qui lui réclamait maintenant sa bouche à tout moment, et parvint à se dévêtir.
Dès qu’il découvrit le corps blanc et nu de sa jeune aimée, l’émotion qu’il éprouvait déjà pour elle, le bouleversa au point qu’il dut faire un effort surhumain sur lui-même pour de pas se jeter sur lui et le dévorer tout entier de la violence de sa passion. Ce corps si jeune, si plein de vie, si tonique et à la fois si fragile, si inexpérimenté, livré par sa volonté propre, à son plaisir de mâle, le fit chavirer et c’est les larmes aux yeux et avec toute la douceur dont il était capable à ce moment précis, comme pour la remercier du cadeau qu’elle était en train de lui offrir, qu’il l’initia aux joies de l’amour.
Il fut à la fois tendre, attentionné et passionné. Ses caresses et sa voix rassurèrent ce petit être si tendu par l’anxiété, ses mains modelèrent ce corps novice de toute expérience, qui se laissa pénétrer et guider vers des plaisirs qu’il soupçonnait à peine. Abel berça de son sexe le corps attentif d’Elise qui écoutait toutes les vibrations que faisait naître en elle la si rassurante expérience de son guide. A chacune de ses caresses, à chacun de ses affectueux coups de reins, il faisait éclore le joli papillon qu’il savait emprisonné dans son cocon. Sa patience et sa tendresse l’emmenèrent vers le vertige de l’orgasme. Épuisé d’avoir retenu sa passion, il s’abandonna, lui aussi, dans de longs gémissements qu’il tentait d’étouffer un peu, pour ne pas l’effrayer, et s’enfonça dans les profondeurs de son plaisir. Délivrés par le succès de leur première fois, ils s’abandonnèrent à la quiétude de leurs corps apaisés.
Élise fut cependant étonnée de ne pas avoir ressenti la fameuse douleur de sa virginité perdue et surprise de ne pas découvrir une mare de sang en lieu et place de leurs ébats ! Elle en fit part, un peu gênée à Abel, auquel elle jura que c’était réellement sa Première fois, comme s’il était entendu qu’elle lui offrît sa virginité, comme si elle avait voulu lui prouver son sérieux et son amour. Ce à quoi il répondit s’en moquer totalement, que seul comptait pour lui ce don d’elle-même qu’elle venait de lui faire et que, première fois ou non, il venait de vivre une des plus belles émotions de sa vie, longtemps désirée. En effet, Abel avait souvent été ému par les corps juvéniles de quelques-unes de ses rencontres. Il avait toujours rêvé de les initier à la jouissance et se plaisait à imaginer le rôle de Pygmalion qu’il aurait aimé tenir auprès d’une jeune amoureuse. Il ne s’était jamais donné le droit de céder à son désir, même si les prétendantes avaient été nombreuses pour tenir le rôle. Peur d’abuser de leur confiance ? Même s’il n’avait rien promis, Abel connaissait cependant la facilité qu’ont les jeunes filles à se donner tout entières et à exiger la réciproque. Peur de ne pas tenir le rôle parfaitement ? Cela, il en doutait ! Peur de se sentir déconsidéré au bout de quelques temps aux yeux d’une jeune donzelle qui préférerait peut-être plus tard un homme plus jeune ? Sans doute !
Et pourtant, résister au charme, à la jeunesse, à l’amour d’Elise lui fut impossible. Il la sentait différente des autres tentations qui avaient émaillé sa vie. Différente des femmes qui avaient partagé au bout de chemin avec lui, différente des jeunes filles qu’il avait désirées.
Et il n’avait pas la sensation de se tromper : les quinze jours passés sous le soleil de la Méditerranée furent un enchantement pour eux deux, une bulle de douceur, de passion, de compréhension intuitive dans le fleuve de leur vie, un intermède féerique où leurs corps chantaient à l’unisson, leurs mains, leur peau se reconnaissaient et trouvaient enfin la plénitude comme une certitude ancestrale. Abel ne se lassait pas de s’abreuver de la jeunesse, de la sincérité, de l’honnêteté d’Elise, qui se blottissait avec ravissement dans la chaleur, la protection, la maturité de son rassurant amour.
Chaque effleurement était prétexte à une possible explosion de leurs sens. Quand les deux amants étaient seuls, ils s’abandonnaient sans réserve à leur désir, goûtant sans jamais se rassasier au festin du plaisir. Leurs jeux les emmenaient invariablement dans une cascade de sensations plus délicieuses les unes que les autres, qu’illuminaient de foudroyants orgasmes. Et quand il leur fallait s’arracher l’un à l’autre pour s’adonner à d’autres activités, quand ils partaient dans les rues ensoleillées et poussiéreuses d’Athènes, quand ils tentaient de se concentrer sur la visite d’un site ou d’un monument, leurs regards ne pouvaient cesser de se cajoler, leur peau s’attirait l’une vers l’autre comme des aimants, leurs mains se cherchaient continuellement, et c’est derrière une des colonnes du Parthénon, dans quelque recoin sombre d’une ruelle ou dans des endroits plus reculés de la ville que leurs corps, ne pouvant supporter d’être séparés plus longtemps, volaient au temps quelques caresses érotiques, quelques baisers passionnés pour tenter de calmer momentanément le feu du désir, qui les consumait tout entiers. Les ruines écrasées de lumière de Délos, le coucher de soleil mauve-orangé sur les façades blanches des maisons de Santorin, le merveilleux petit village de Vathi à Siphnos, les bleus et les rouges chatoyants de Mykonos, tout célébrait leur amour. Rien ne les arrêtait, pas même le dérisoire obstacle de leur vêtement. Ses mains impatientes volaient sous sa jupe coquine, ses cuisses insolentes modelaient l’attribut le plus vibrant de son désir. Mais ces interludes ne faisaient qu’attiser leur passion, qu’exciter leur imagination : résister à une telle tension, à un tel désir leur demandait une volonté énorme ; seul un réflexe inconscient de pudeur et de bonne éducation les empêchait de basculer dans l’ivresse de leur sens, qu’ils n’arrivaient réellement à apaiser qu’après de longues heures passées dans la fusion totale de leur corps.
Là, à l’abri de tout regard, dans le doux secret de leur chambre, les mains douces et fermes d’Abel guidaient la jeune Élise lentement vers le plaisir que son sexe long et brûlant amenait à l’extase. Elle sentait qu’il emplissait son ventre tout entier, savourait leurs deux corps qui fusionnaient à l’endroit précis de leur jouissance, les transportant pendant de longues et délicieuses minutes dans la même sphère d’harmonie. Elle avait la sensation qu’ils se transformaient en un être étrange, une créature avec deux intelligences, deux corps qui se fondaient en un seul et même sexe, pour faire éclore une seule et même énergie, un seul et même feu. La peau de sa nymphe, sa fraîcheur, sa docilité et son appétit insatiable lui donnait la sensation intense de vivre, d’exister ; Élise ne pouvait se passer des délices, de l’assurance de son guide ; son odeur suave devenait pour elle comme une drogue qui l’emmenait invariablement dans un univers idyllique de protection parfaite ; elle se lovait contre lui comme un nouveau né cherchant l’odeur maternelle ; près de lui, tout lui semblait possible et rassurant. Un monde nouveau planait au-dessus d’eux, auréolés qu’ils étaient de leur amour.
- Extrait -
Clara
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